Résumé : La prévalence des maladies chroniques connait une croissance exponentielle et affecte davantage les populations les plus précaires. L’alimentation représente une dimension majeure dans ce contexte : elle peut soit contribuer à prévenir le développement des maladies chroniques, soit le favoriser. Le fait de s’alimenter dépend largement de variants sociaux et culturels, tel qu’on ne consomme pas seulement ce qui est biologiquement comestible, mais ce qui l’est culturellement. La sociologie de l’alimentation semble ainsi pouvoir jouer un rôle au regard de la santé publique, notamment en permettant une compréhension des différentes représentations alimentaires en fonction de la pluralité des origines sociales. Les enfants constituent une population particulièrement vulnérable, dans une société dans laquelle l’alimentation a rapidement évolué pour se déstructurer (notamment via son individualisation), et de même car ils sont les plus ciblés par les campagnes publicitaires pour des aliments ultratransformés.
Nous avons choisi de centrer notre recherche sur les enfants, également en raison des récentes évolutions en termes d’éducation à l’alimentation à l’école. Une enquête sociologique a été menée au sein de quatre écoles normandes (échantillonnées de manière à représenter une diversité sociale), auprès de quarante enfants âgés
de neuf à onze ans dans des entretiens semi-directifs, de huit classes dans des entretiens collectifs et dans chaque cantine via des séances d’observation. Nous avons ainsi accédé à une pluralité de discours et de représentations alimentaires d’enfants, qui nous ont permis de comprendre comment ces dernières varient socialement, tels que les plus précaires s’exposent le plus au risque de développer des maladies chroniques par leur habitus alimentaire, mais aussi d’effectuer un état des lieux de ce qu’est actuellement l’éducation à l’alimentation à l’école. Nous avons réalisé des expérimentations qui ont rendu possible une conceptualisation
de ce qu’est une éducation à l’alimentation « adaptée » (aux enjeux de la transition épidémiologique ainsi qu’à la réalité sociale). Alors que les allégations, injonctions et slogans s’avèrent être inefficaces, tous les enfants peuvent développer une conscience des liens entre l’alimentation et la santé, lorsqu’ils sont amenés à participer activement à des discussions et réflexions holistiques à propos des liens entre l’alimentation, la santé et l’environnement.